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***Après la Mort***

***Léon Denis***

Léon Denis est né à Foug le 1er janvier 1846. Il découvrit le Spiritisme à 16 ans à travers le « Livre des Esprits ». Après la guerre de 1870, il prit la décision d’instruire le peuple. Orateur éloquent et chaleureux, il entreprit plus de 300 à conférences à travers la France et l’Europe. Salomon Jugie écrira : « Les privilégiés qui ont eu la douce joie d’entendre jaillir de ses lèvres une inspiration vers le ciel, n’oublieront jamais l’élan vers l’infini qui les faisait tressaillir. Il était bien de là-haut ! » 
Ecrivain tout aussi éloquent, ses ouvrages seront traduits dans la plupart des langues et lus aux quatre coins du globe...

La vérité est comparable à ces gouttes de pluie qui tremblent à l'extrémité d'une branche. Tant qu'elles y restent suspendues, elles brillent comme de purs diamants sous l'éclat du jour ; dès qu'elles touchent le sol, elles se mêlent à toutes les impuretés.Tout ce qui nous vient d'en haut se salit au contact terrestre. Jusqu'au sein des temples,l'homme a porté ses passions, ses convoitises, ses misères morales.Aussi, dans chaque religion, l'erreur, cet apport de la terre, se mêle à la vérité, ce bien des cieux...Le Spiritisme qui veut instaurer la paix, la fraternité et l’amour entre tous les hommes a choisi pour devise : « HORS LA CHARITÉ  PAS DE SALUT ».

Extrait de L'Ouvrage,Après La Mort de Léon Denis...Je Pense qu'il ne Pourra Qu'Être Bénéfique à Tous Ceux qui le Liront..Bonne Lecture...

Après La Mort...

En parlant de ce livre, Léon Denis dit : « Ce sera un volume de 300 pages fait dans un esprit d'éclectisme et de conciliation de toutes les écoles, mais conservant, comme base, l'enseignement du fondateur de la doctrine avec ses principes si logiques et si sages ». 
La première partie traite des grandes religions de l'antiquité en passant par l'Inde, l'Egypte, la Grèce, la Gaule. Les trois suivantes abordent le monde invisible et énumére de façon précise les divers états de la matière, les fluides, les médiums. Dans le dernière chapitre, il s'agit de la partie morale où toute la grandeur du spiritisme apparait...

Tel est le mystère de psyché, l'âme humaine.L'âme porte,gravée en elle, la loi de ses destinées. Apprendre à en épeler les préceptes, à déchiffrer cette énigme,voilà la véritable science de la vie. Chaque étincelle arrachée au Foyer Divin, chaque conquête sur elle-même, sur ses passions,sur ses instincts égoïstes,lui procure une joie intime,d'autant plus vive que cette conquête lui a plus coûté. Et c'est là le Ciel promis à nos efforts. Ce Ciel n'est pas loin de nous :Il est en nous.En réalité,rien ne meurt. La mort n'est qu'apparente. La forme extérieure seule change ; le principe de la vie, l'âme, demeure en son unité permanente,indestructible. Elle se retrouve au-delà du tombeau,elle et son corps fluidique,dans la plénitude de ses facultés,avec toutes les acquisitions :lumières,aspirations,vertus,puissances,dont elle s'est enrichie durant ses existences terrestres.félicités ou remords, L'homme porte au plus profond de son être sa grandeur ou sa misère,conséquence de ses actes. Les voix,mélodieuses ou sévères, qui s'élèvent en lui, sont les interprètes fidèles de la grande Loi, d'autant plus puissantes qu'il est monté plus haut sur la voie du perfectionnement. L'Âme est un monde,un monde où se mêlent encore les ombres et les rayons, et dont l'étude attentive nous fait marcher de surprise en surprise. Dans ses replis, toutes les puissances sont en germe,attendant l'heure de la fécondation pour s'épanouir en gerbes de lumière. A mesure qu'elle se purifie, ses perceptions s'accroissent.Tout ce qui nous charme dans son état présent, les dons du talent, les éclairs du génie,tout cela est peu,comparé à ce qu'elle acquerra un jour,quand elle sera parvenue aux suprêmes altitudes.Déjà elle possède d'immenses ressources cachées,des sens intimes,variés et subtils,sources de vives impressions,dont notre grossière enveloppe entrave presque toujours l'exercice. Chaque être,arrivé à se posséder dans sa raison et dans sa conscience,devient l'artisan de ses destinées et forge ou brise à volonté les chaînes qui le rivent à la matière. Les situations douloureuses que subissent certains hommes s'expliquent par l'action de cette Loi... 

Les progrès de la géologie et de l'anthropologie préhistorique ont jeté de vives lumières sur l'histoire du monde primitif ; mais c'est à tort que les matérialistes ont cru trouver dans la loi d'évolution des êtres un point d'appui, un secours pour leurs théories. Une chose essentielle se dégage de ces études : c'est la certitude que la force aveugle ne domine nulle part d'une façon absolue. Au contraire, c'est l'intelligence, la volonté, la raison qui triomphent et règnent. La force brutale n'a pas suffi à assurer la conservation et le développement des espèces. Parmi les êtres, celui qui a pris possession du globe et asservi la nature, ce n'est pas le plus fort, le mieux armé physiquement, mais le mieux doué sous le rapport intellectuel. Depuis son origine, le monde s'achemine vers un état de choses de plus en plus élevé. La loi du progrès s'affirme à travers les temps, dans les transformations successives du globe et les étapes de l'humanité. Un but se révèle dans l'univers, but vers lequel tout marche, tout évolue, les êtres comme les choses ; et ce but, c'est le Bien, c'est le Mieux. L'histoire de la terre en est le plus éloquent témoignage. On nous objectera sans doute que la lutte, la souffrance et la mort sont au fond de tout. Nous répondrons que l'effort, la lutte et la souffrance sont les conditions mêmes du progrès. Quant à la mort, elle n'est pas le néant, comme nous le prouverons plus loin, mais l'entrée de l'être dans une phase nouvelle d'évolution. De l'étude de la nature et des annales de l'histoire, un fait capital se dégage : il y a une cause à tout ce qui est. Cette cause, pour la connaître, il faut s'élever au-dessus de la matière, jusqu'au principe intellectuel, jusqu'à la Loi vivante et consciente qui nous explique l'ordre de l'univers, comme les expériences de la psychologie moderne nous expliquent le problème de la vie...

On juge surtout une doctrine philosophique par ses conséquences morales, par les effets qu'elle produit sur la vie sociale. Considérées à ce point de vue, les théories matérialistes, basées sur le fatalisme, sont incapables de servir de mobile à la vie morale, de sanction aux lois de la conscience. L'idée toute mécanique qu'elles donnent du monde et de la vie détruit la notion de liberté et, par suite, celle de responsabilité73. Elles font de la lutte pour l'existence une loi inexorable, en vertu de laquelle les faibles doivent succomber sous les coups des forts, une loi qui bannit à jamais de la terre le règne de la paix, de la solidarité et de la fraternité humaine. En pénétrant dans les esprits, elles ne peuvent amener que l'indifférence et l'égoïsme chez les heureux, le désespoir et la violence chez les déshérités, la démoralisation chez tous. Sans doute, il est des matérialistes honnêtes et des athées vertueux, mais ce n'est pas par suite d'une application rigoureuse de leurs doctrines. S'ils sont tels, c'est malgré leurs opinions et non à cause d'elles ; c'est par une impulsion secrète de leur nature, et parce que leur conscience a su résister à tous les sophismes. Il n'en résulte pas moins logiquement qu'en supprimant le libre arbitre, en faisant des facultés intellectuelles et des qualités morales la résultante de combinaisons chimiques, les sécrétions de la substance grise du cerveau, en considérant le génie comme une névrose, le matérialisme abaisse la dignité humaine, enlève à l'existence tout caractère élevé. Avec la conviction qu'il n'y a rien au-delà de la vie présente, et pas d'autre justice que celle des hommes, chacun peut se dire : A quoi bon lutter et souffrir ? A quoi bon la pitié, le courage, la droiture ? Pourquoi se contraindre et maîtriser ses appétits, ses désirs ? Si l'humanité est abandonnée à elle-même, s'il n'y a nulle part un pouvoir intelligent, équitable, qui la juge, qui la guide, la soutienne, quel secours peut-elle attendre ? Quelle aide lui rendra moins lourd le poids de ses épreuves ?

S'il n'y a dans l'univers ni raison, ni justice, ni amour ; rien que la force aveugle, étreignant les êtres et les mondes sous le joug d'une fatalité sans pensée, sans âme, sans conscience ; alors l'idéal, le bien, la beauté morale, sont autant d'illusions et de mensonges. Ce n'est plus en eux, mais dans la réalité brutale ; ce n'est plus dans le devoir, mais dans la jouissance, que l'homme doit voir le but de la vie, et, pour le réaliser, il doit passer par-dessus toute vaine sentimentalité. Si nous venons du néant pour retourner au néant si le même sort, le même oubli attend le criminel et le sage, l'égoïste et l'homme dévoué ; si,suivant les combinaisons du hasard, les uns doivent être exclusivement à la peine et les autres à la joie et à l'honneur, alors il faut oser le proclamer, l'espérance est une chimère ; il n'y a plus de consolations pour les affligés, plus de justice pour les victimes du sort. L'humanité roule, emportée par le mouvement du globe, sans but, sans clarté, sans loi morale, se renouvelant par la naissance et par la mort, deux phénomènes entre lesquels l'être s'agite et passe sans laisser plus de trace qu'une étincelle dans la nuit. Sous l'influence de telles doctrines, la conscience n'a plus qu'à se taire et à faire place à l'instinct brutal ; l'esprit de calcul doit succéder à l'enthousiasme, et l'amour du plaisir remplacer les généreuses aspirations de l'âme. Alors chacun ne songera qu'à soi. Le dégoût de la vie, la pensée du suicide viendront hanter les malheureux. Les déshérités n'auront plus que haine pour ceux qui possèdent et, dans leur fureur, ils mettront en pièces cette civilisation grossière et matérielle. Mais non ! La pensée, la raison se soulèvent et protestent contre ces doctrines désolantes...

L'homme, nous disent-elles, n'aura pas lutté, travaillé, souffert, pour aboutir au néant ; la matière n'est pas tout ; il y a des lois supérieures à elle, des lois d'ordre et d'harmonie, et l'univers n'est pas seulement un mécanisme inconscient. Comment la matière aveugle pourrait-elle se gouverner par des lois intelligentes et sages ? Comment, dénuée de raison, de sentiment, pourrait-elle produire des êtres raisonnables et sensibles, capables de discerner le bien du mal, le juste de l'injuste ? Quoi ! l'âme humaine est susceptible d'aimer jusqu'au sacrifice, le sens du beau et du bien est gravé en elle, et elle serait issue d'un élément qui ne possède ces qualités à aucun degré ? Nous sentons, nous aimons, nous souffrons, et nous émanerions d'une cause qui est sourde, inexorable et muette ? Nous serions plus parfaits et meilleurs qu'elle ? Un tel raisonnement est un outrage à la logique. On ne saurait admettre que la partie puisse être supérieure au tout, que l'intelligence puisse dériver d'une cause inintelligente, que, d'une nature sans but, il puisse sortir des êtres susceptibles de poursuivre un but. Le sens commun nous dit, au contraire, que, si l'intelligence, l'amour du bien et du beau sont en nous, il faut qu'ils proviennent d'une cause qui les possède à un degré supérieur. Si l'ordre se manifeste en toutes choses, si un plan se révèle dans le monde, c'est qu'une pensée les a élaborés, une raison les a conçus. N'insistons pas sur des problèmes dont nous aurons à reprendre plus loin l'examen, et arrivons à une autre doctrine, qui a avec le matérialisme de nombreux points de contact...

Nous voulons parler du positivisme. Cette philosophie, plus subtile ou moins franche que le matérialisme, n'affirme rien, ne nie rien. Écartant toute étude métaphysique, toute recherche des causes premières, elle établit que l'homme ne peut rien savoir du principe des choses ; par conséquent, l'étude des causes du monde et de la vie serait superflue.Toute sa méthode se rapporte à l'observation des faits constatés par les sens et des lois qui les relient. Elle n'admet que l'expérience et le calcul. Cependant, la rigueur de cette méthode a dû se plier devant les exigences de la science, et le positivisme, comme le matérialisme, malgré son horreur de l'hypothèse, a été contraint d'admettre des théories non vérifiables par les sens. C'est ainsi qu'il raisonne sur la matière et la force, dont la nature intime lui est inconnue ; qu'il admet la loi d'attraction, le système astronomique de Laplace, la corrélation des forces, toutes choses impossibles à démontrer expérimentalement. Plus encore, on a vu le fondateur du positivisme, Auguste Comte, après avoir éliminé tous les problèmes religieux et métaphysiques, revenir aux qualités occultes et mystérieuses des choses74 et terminer son oeuvre en fondant le culte de la Terre. Ce culte avait ses cérémonies, ses prêtres salariés. Il est vrai que les positivistes ont renié ces aberrations. Nous n'insisterons pas sur ce point, pas plus que sur le fait que Littré, le savant éminent, le chef vénéré de l'athéisme moderne, se fit baptiser à son lit de mort, après avoir accepté les visites fréquentes d'un prêtre catholique. Un tel démenti infligé aux principes de toute une vie doit cependant être signalé...

Ces deux exemples, donnés par les maîtres du positivisme, démontrent l'impuissance de doctrines qui se désintéressent des aspirations de l'être moral et religieux. Ils prouvent qu'on ne fonde rien avec des négations ni avec l'indifférence ; que, malgré tous les sophismes, il arrive une heure où la pensée de l'au-delà se dresse devant les sceptiques les plus endurcis. Néanmoins, on ne peut méconnaître que le positivisme n'ait eu sa raison d'être et n'ait rendu d'incontestables services à l'esprit humain, en contraignant celui-ci à serrer davantage ses arguments, à préciser ses théories, à faire une part plus large à la démonstration. Fatigués des abstractions métaphysiques et des vaines discussions d'école, ses fondateurs ont voulu placer la science sur un terrain solide ; mais la base choisie par eux était si étroite que leur édifice a manqué à la fois d'ampleur et de solidité. En voulant restreindre le domaine de la pensée, ils ont annihilé les plus belles facultés de l'âme ; en repoussant les idées d'espace, d'infini, d'absolu, ils ont ôté à certaines sciences, aux mathématiques, à la géométrie, à l'astronomie, toute possibilité de se développer et de progresser. On a vu ce fait significatif : c'est dans le champ de l'astronomie stellaire, science proscrite par Auguste Comte comme étant du domaine de l'incognoscible, que les plus belles découvertes ont été réalisées...

Le positivisme est dans l'impossibilité de fournir une base morale à la conscience. L'homme, ici-bas, n'a pas que des droits à exercer, il a aussi des devoirs à remplir ; c'est la condition essentielle de tout ordre social. Or, pour remplir ses devoirs, il faut les connaître, et comment les connaître, si l'on se désintéresse du but de la vie, des origines et des fins de l'être ? Comment nous conformer à la règle des choses, selon la propre expression de Littré, si nous nous interdisons d'explorer le domaine du monde moral et l'étude des faits de conscience ? Dans un but louable, certains penseurs, matérialistes et positivistes, ont voulu fonder ce qu'ils ont appelé la morale indépendante, c'est-à-dire la morale dégagée de toute conception théologique, de toute influence religieuse. Ils ont cru trouver là un terrain neutre, où tous les bons esprits pouvaient se réunir. Mais les matérialistes n'ont pas réfléchi qu'en niant la liberté, ils rendaient toute morale impuissante et vaine. Dépourvu de liberté, l'homme n'est plus qu'une machine, et une machine n'a que faire de morale. Il aurait fallu aussi que la notion du devoir fût acceptée par tous pour être efficace ; et sur quoi peut s'appuyer la notion du devoir dans une théorie mécanique du monde et de la vie ?

La morale ne peut être prise pour base, pour point de départ. Elle est une conséquence de principes, le couronnement d'une conception philosophique. C'est pourquoi la morale indépendante est restée une théorie stérile, une illusion généreuse, sans influence sur les moeurs. Dans leur étude attentive et minutieuse de la matière, les écoles positivistes ont contribué à enrichir certaines branches des connaissances humaines, mais elles ont perdu de vue l'ensemble des choses et les lois supérieures de l'univers. En s'enfermant dans leur domaine exclusif, elles ont imité le mineur qui s'enfonce de plus en plus dans les entrailles du sol, en découvre les trésors cachés, et ne voit plus le grand spectacle de la nature, se déployant sous les rayons du soleil. Ces écoles n'ont pas même été fidèles à leur programme ; car, après avoir proclamé la méthode expérimentale comme le seul moyen d'arriver à la vérité, on les a vues se donner un démenti à elles-mêmes, en niant a priori tout un ordre de phénomènes, de manifestations psychiques, que nous aurons à examiner. Chose à noter, la science positive a montré autant d'incrédulité dédaigneuse devant ces faits, qui venaient bouleverser ses théories, autant de parti pris que les hommes d'église les plus intolérants. Le positivisme ne peut être considéré comme la dernière étape de la science. Celle-ci est progressive par essence et saura se compléter. Le positivisme n'est qu'une des formes temporaires de l'évolution philosophique. Les siècles n'ont pas succédé aux siècles, les oeuvres des sages et des philosophes ne se sont pas accumulées pour aboutir à la théorie de l'inconnaissable. La pensée évolue, se développe et, chaque jour, pénètre plus avant. Ce qui était inconnu hier sera connu demain. La marche de l'esprit humain n'a pas de terme. Lui en fixer un, c'est nier la loi du progrès ; c'est méconnaître la vérité...

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VIII. - LA CRISE MORALE...

De l'examen précédent il résulte que deux systèmes contradictoires et ennemis se partagent le monde de la pensée. Notre temps est, à ce point de vue, un temps de trouble et de transition. La foi religieuse s'attiédit, et les grandes lignes de la philosophie de l'avenir n'apparaissent encore qu'à une minorité de chercheurs. Certes, l'époque où nous vivons est grande par la somme des progrès réalisés. La civilisation moderne, puissamment outillée, a transformé la face de la terre ; elle a rapproché les peuples, en supprimant les distances. L'instruction s'est répandue ; les institutions se sont améliorées. Le droit a remplacé le privilège, et la liberté triomphe de l'esprit de routine et du principe d'autorité. Une grande bataille se livre entre le passé, qui ne veut pas mourir, et l'avenir, qui fait effort pour naître à la vie. A la faveur de cette lutte, le monde s'agite et marche ; une impulsion irrésistible l'entraîne, et le chemin parcouru, les résultats acquis nous font présager des conquêtes plus merveilleuses encore. Cependant, si les progrès d'ordre matériel et d'ordre intellectuel sont remarquables, par contre, l'avancement moral est nul. Sur ce point, le monde semble plutôt reculer ; les sociétés humaines, fiévreusement absorbées par les questions politiques, par les entreprises industrielles et financières, sacrifient au bien-être leurs intérêts moraux. Si l'oeuvre de la civilisation nous apparaît sous de magnifiques aspects, elle a aussi, comme toutes les choses humaines, de sombres dessous...

Sans doute, elle a amélioré dans une certaine mesure les conditions de l'existence, mais elle a multiplié les besoins à force de les satisfaire ; en aiguisant les appétits, les désirs, elle a favorisé d'autant le sensualisme et augmenté la dépravation. L'amour du plaisir, du luxe, des richesses est devenu de plus en plus ardent. On veut acquérir, on veut posséder à tout prix. De là, ces spéculations éhontées qui s'étalent en pleine lumière. De là, cet affaissement des caractères et des consciences, ce culte fervent que l'on rend à la fortune, véritable idole dont les autels ont remplacé ceux des divinités tombées. La science et l'industrie ont centuplé les richesses de l'humanité, mais ces richesses n'ont profité directement qu'à une faible partie de ses membres. Le sort des petits est resté précaire, et la fraternité tient plus de place dans les discours que dans les coeurs. Au milieu des cités opulentes, on peut encore mourir de faim. Les usines, les agglomérations ouvrières, foyers de corruption physique et morale, sont devenues comme les enfers du travail. L'ivrognerie, la prostitution, la débauche répandent partout leurs poisons, appauvrissent les générations et tarissent la vie dans sa source, tandis que les feuilles publiques sèment à l'envi l'injure, le mensonge, et qu'une littérature malsaine excite les cerveaux et débilite les âmes. Chaque jour, la désespérance fait de nouveaux ravages : le nombre des suicidés, qui, en 1820, était de quinze cents pour la France, est maintenant de plus de huit mille. Huit mille êtres, chaque année, faute d'énergie et de sens moral, désertent les luttes fécondes de la vie et se réfugient dans ce qu'ils croient être le néant ! Le nombre des crimes et délits a triplé depuis cinquante ans...

Parmi les condamnés, la proportion des adolescents est considérable. Faut-il voir dans cet état de choses les effets de la contagion du milieu, des mauvais exemples reçus dès l'enfance, le défaut de fermeté des parents et l'absence d'éducation dans la famille ? Il y a tout cela, et plus encore. Nos maux proviennent de ce que, malgré le progrès de la science et le développement de l'instruction, l'homme s'ignore encore lui-même. Il sait peu de chose des lois de l'univers ; il ne sait rien des forces qui sont en lui. Le « connais-toi toi-même » du philosophe grec est resté, pour l'immense majorité des humains, un appel stérile. Pas plus qu'il y a vingt siècles, moins peut-être, l'homme d'aujourd'hui ne sait ce qu'il est, d'où il vient, où il va, quel est le but réel de l'existence. Aucun enseignement n'est venu lui donner la notion exacte de son rôle en ce monde ni de ses destinées. L'esprit humain flotte, indécis, entre les sollicitations de deux puissances. D'un côté, les religions avec leur cortège d'erreurs et de superstitions, leur esprit de domination et d'intolérance ; mais aussi avec les consolations dont elles sont la source et les faibles lueurs qu'elles ont gardées des vérités primordiales. De l'autre, la science, matérialiste dans ses principes comme dans ses fins, avec ses froides négations et son penchant outré à l'individualisme ; mais aussi avec le prestige de ses découvertes et de ses bienfaits. Et ces deux colosses, la religion sans preuves et la science sans idéal, se défient, s'étreignent, se combattent sans pouvoir se vaincre, car chacune d'elles répond à un besoin impérieux de l'homme, l'une parlant à son coeur, l'autre s'adressant à son esprit et à sa raison. Autour d'elles s'accumulent les ruines de nombreuses espérances et d'aspirations détruites ; les sentiments généreux s'affaiblissent, la division et la haine remplacent la bienveillance et la concorde...

Au milieu de cette confusion d'idées, la conscience a perdu sa voie. Elle va, anxieuse, au hasard, et, dans l'incertitude qui pèse sur elle, le bien et le juste se voilent. La situation morale de tous les malheureux qui ploient sous le fardeau de la vie est devenue intolérable, entre deux doctrines qui n'offrent comme perspective à leurs douleurs, comme terme à leurs maux, l'une que le néant, l'autre qu'un paradis presque inaccessible ou une éternité de supplices. Les conséquences de ce conflit se font sentir partout, dans la famille, dans l'enseignement et dans la société. L'éducation virile a disparu. Ni la science, ni la religion ne savent plus faire les âmes fortes et bien armées pour les combats de la vie. La philosophie, elle-même, en s'adressant seulement à quelques intelligences abstraites, abdique ses droits sur la vie sociale et perd toute influence. Comment l'humanité sortira-t-elle de cet état de crise ? Il n'est pour cela qu'un moyen : trouver un terrain de conciliation où les deux forces ennemies, le sentiment et la raison, puissent s'unir pour le bien et le salut de tous. Car tout être humain porte en lui ces deux forces, sous l'empire desquelles il pense et agit tour à tour. Leur accord procure à ses facultés l'équilibre et l'harmonie, centuple ses moyens d'action et donne à sa vie la rectitude, l'unité de tendances et de vues, tandis que leurs contradictions et leurs luttes amènent en lui le désordre. Et ce qui se produit en chacun de nous se manifeste dans la société entière et cause le trouble moral dont elle souffre. Pour y mettre fin, il faut que la lumière se fasse aux yeux de tous, grands et petits, riches et pauvres, hommes, femmes et enfants ; il faut qu'un nouvel enseignement populaire vienne éclairer les âmes sur leur origine, leurs devoirs et leur destinée...

Car tout est là. Seules, les solutions formulées par cet enseignement peuvent servir de base à une éducation virile, rendre l'humanité vraiment forte et libre. Leur importance est capitale, aussi bien pour l'individu, qu'elles dirigeront dans sa tâche journalière, que pour la société, dont elles régleront les institutions et les rapports. L'idée que l'homme se fait de l'univers, de ses lois, du rôle qui lui échoit sur ce vaste théâtre, rejaillit sur toute sa vie et influe sur ses déterminations. C'est d'après elle qu'il se trace un plan de conduite, se fixe un but et marche vers lui. Aussi chercherions-nous en vain à éluder ces problèmes. Ils se posent d'eux-mêmes à notre esprit ; ils nous dominent, ils nous enveloppent dans leurs profondeurs ; ils forment le pivot de toute civilisation. Chaque fois qu'une conception nouvelle du monde et de la vie pénètre dans l'esprit humain et s'infiltre de proche en proche dans tous les milieux, l'ordre social, les institutions et les moeurs s'en ressentent aussitôt. Les conceptions catholiques ont créé la civilisation du moyen âge et façonné la société féodale, monarchique, autoritaire. Alors, sur terre comme au ciel, c'était le règne de la grâce et du bon plaisir. Ces conceptions ont vécu ; elles ne trouvent plus de place dans le monde moderne. Mais, en abandonnant les anciennes croyances, le présent n'a pas su les remplacer. Le positivisme matérialiste et athée ne voit plus dans la vie qu'une combinaison passagère de matière et de force, dans les lois de l'univers qu'un mécanisme brutal. Aucune notion de justice, de solidarité, de responsabilité...

De là, un relâchement général des liens sociaux, un scepticisme pessimiste, un mépris de toute loi et de toute autorité, qui pourraient nous conduire aux abîmes. Ces doctrines matérialistes ont amené chez les uns le découragement, chez les autres une recrudescence de convoitise ; partout elles ont poussé au culte de l'or et de la chair. Sous leur influence, une génération s'est élevée, génération dépourvue d'idéal, sans foi dans l'avenir, doutant d'elle-même et de tout. Les religions dogmatiques nous conduisaient à l'arbitraire et au despotisme ; le matérialisme aboutit logiquement, inévitablement, à l'anarchie et au nihilisme. C'est pourquoi nous devons le considérer comme un péril, comme une cause de décadence et d'abaissement.Peut-être trouvera-t-on ces appréciations excessives et sera-t-on porté à nous taxer d'exagération. Il nous suffirait, en ce cas, de nous reporter aux oeuvres des matérialistes éminents et de citer leurs propres conclusions. Voici, par exemple, ce qu'écrivait, parmi tant d'autres, M. Jules Soury75 : « S'il y a quelque chose de vain et d'inutile au monde, c'est la naissance, l'existence et la mort des innombrables parasites, faunes et flores, qui végètent comme une moisissure et s'agitent à la surface de cette infime planète. Indifférente en soi, nécessaire en tout cas, puisqu'elle est, cette existence qui a pour condition la lutte acharnée de tous contre tous, la violence ou la ruse, l'amour, plus amer que la mort, paraîtra, au moins à tous les êtres vraiment conscients, un rêve sinistre, une hallucination douloureuse, au prix de laquelle le néant serait un bien...

« Mais, si nous sommes les fils de la nature, si elle nous a créés et donné l'être, c'est nous, à notre tour, qui l'avons douée de toutes les qualités idéales qui la parent à nos yeux, qui avons tissé le voile lumineux sous lequel elle nous apparaît. L'éternelle illusion qui enchante ou qui tourmente le coeur de l'homme est donc bien son oeuvre. « Dans cet univers où tout est ténèbres et silence, lui seul veille et souffre sur cette planète, parce que lui seul, peut-être avec ses frères inférieurs, médite et pense. C'est à peine s'il commence à comprendre la vanité de tout ce qu'il a cru, de tout ce qu'il a aimé, le néant de la beauté, le mensonge de la bonté, l'ironie de toute science humaine. Après s'être naïvement adoré dans ses dieux et dans ses héros, quand il n'a plus ni foi ni espoir, voici qu'il sent que la nature elle-même se dérobe, qu'elle n'était, comme tout le reste, qu'apparence et duperie. » Un autre écrivain matérialiste, poète de grand talent, Mme Ackermann, n'hésitait pas à tenir ce langage : « Je ne dirai pas à l'humanité : Progresse ! Je lui dirai : Meurs ! car aucun progrès ne t'arrachera jamais aux misères de la condition terrestre. » Ces vues ne sont pas seulement le partage de quelques écrivains. Grâce à une littérature qui déshonore le beau nom de naturalisme, par le moyen de romans, de feuilletons sans nombre, elles ont pénétré jusque dans les milieux les plus obscurs. Avec cette opinion que le néant est préférable à la vie, peut-on s'étonner que l'homme prenne l'existence et le travail en dégoût ? Peut-on se refuser à comprendre pourquoi le découragement et la démoralisation s'infiltrent dans les esprits ?

La vie apres la mort

Non, ce n'est pas avec de telles doctrines que l'on inspirera aux peuples la grandeur d'âme, la fermeté dans les mauvais jours, le courage dans l'adversité ! Une société sans espérance, sans foi dans l'avenir, est comme un homme perdu dans le désert, comme une feuille morte qui roule au gré des vents. Il est bon de combattre l'ignorance et la superstition, mais il faut les remplacer par des croyances rationnelles. Pour marcher d'un pas ferme dans la vie, pour se préserver des défaillances et des chutes, il faut une conviction robuste, une foi qui nous élève au-dessus du monde matériel ; il faut voir le but et y tendre directement. L'arme la plus sûre dans le combat terrestre, c'est une conscience droite et éclairée. Mais si l'idée du néant nous domine, si nous croyons que la vie est sans lendemain et qu'à la mort tout est fini, alors, pour être logiques, le souci de l'existence matérielle et l'intérêt personnel devront primer tout autre sentiment. Peu nous importera un avenir que nous ne devons pas connaître ! A quel titre nous parlera-t-on de progrès, de réformes, de sacrifices ? S'il n'est pour nous qu'une existence éphémère, nous n'avons plus qu'à profiter de l'heure présente, à en prendre les joies, à en laisser les souffrances et les devoirs ! Tels sont les raisonnements auxquels aboutissent forcément les théories matérialistes, raisonnements que nous entendons formuler et que nous voyons appliquer chaque jour autour de nous. Quels ravages ne peut-on attendre de ces doctrines, au milieu d'une riche civilisation, déjà très développée dans le sens du luxe et des jouissances physiques ?

Cependant, tout idéal n'est pas mort. L'âme humaine a parfois le sentiment de sa misère, de l'insuffisance de la vie présente et de la nécessité de l'au-delà. Dans la pensée du peuple, une sorte d'intuition subsiste ; trompé pendant des siècles, il est devenu incrédule à l'égard de tout dogme, mais il n'est pas sceptique. Vaguement, confusément, il croit, il aspire à la justice. Et ce culte du souvenir, ces manifestations touchantes du 2 novembre, qui portent les foules vers les tombes des morts aimés, dénotent aussi un instinct confus de l'immortalité. Non, le peuple n'est pas athée, puisqu'il croit à la justice immanente, comme il croit à la liberté, car toutes deux existent de par les lois éternelles et divines. Ce sentiment, le plus grand, le plus beau que l'on puisse trouver au fond de l'âme, ce sentiment nous sauvera. Pour cela, il suffira de faire comprendre à tous que cette notion, gravée en nous, est la loi même de l'univers, qu'elle régit tous les êtres et tous les mondes, et que, par elle, le bien doit finalement triompher du mal, et la vie sortir de la mort. En même temps qu'il aspire à la justice, le peuple en cherche la réalisation. Il la cherche, sur le terrain politique comme sur le terrain économique, dans le principe d'association. La puissance populaire a commencé à étendre sur le monde un vaste réseau d'associations ouvrières, un groupement socialiste qui embrasse toutes les nations, et, sous un drapeau unique, fait entendre partout les mêmes appels, les mêmes revendications. Il y a là, qu'on ne s'y trompe pas, en même temps qu'un spectacle plein d'enseignements pour le penseur, une oeuvre grosse de conséquences pour l'avenir.Inspirée par les théories matérialistes et athées, elle deviendrait un instrument de destruction, car son action se résoudrait en violences, en révolutions douloureuses. Contenue dans les bornes de la sagesse et de la modération, elle peut beaucoup pour le bonheur de l'humanité. Qu'un rayon d'en haut, qu'un idéal élevé viennent éclairer ces foules en travail, ces masses avides de progrès, et l'on verra toutes les vieilles formes sociales se dissoudre et se fondre en un monde nouveau, basé sur le droit de tous, sur la justice et la solidarité... *

L'heure présente est une heure de crise et de renouvellement...

Le monde est en fermentation, la corruption monte, l'ombre s'étend, le péril est grand ; mais derrière l'ombre nous entrevoyons la lumière ; derrière le péril nous voyons le salut. Une société ne peut périr. Si elle porte en elle des éléments de décomposition, elle porte aussi des germes de transformation et de relèvement. La décomposition annonce la mort, mais elle précède aussi la renaissance ; elle peut être le prélude d'une autre vie. D'où viendront la lumière, le salut, le relèvement ? Ce n'est pas de l'Église : elle est impuissante à régénérer l'esprit humain. Ce n'est pas de la science : elle ne s'occupe ni des caractères, ni des consciences, mais seulement de ce qui frappe les sens ; tout ce qui fait la vie morale, tout ce qui fait les grands coeurs, les sociétés fortes : le dévouement, la vertu, la passion du bien, tout cela ne tombe pas sous les sens. Pour relever le niveau moral, pour arrêter ces deux courants de la superstition et du scepticisme, qui aboutissent également à la stérilité, ce qu'il faut à l'homme, c'est une conception nouvelle du monde et de la vie, qui, en s'appuyant sur l'étude de la nature et de la conscience, sur l'observation des faits, sur les principes de la raison, fixe le but de l'existence et règle notre marche en avant. Ce qu'il faut, c'est un enseignement d'où se dégage un mobile de perfectionnement, une sanction morale et une certitude pour l'avenir. Or, cette conception et cet enseignement existent déjà et se vulgarisent tous les jours. Au milieu des disputes et des divagations des écoles, une voix s'est fait entendre : celle des Morts. De l'autre côté de la tombe, ils se sont révélés plus vivants que jamais ; devant leurs instructions, le voile qui nous cachait la vie future est tombé...

L'enseignement qu'ils nous donnent va réconcilier tous les systèmes ennemis et, des cendres du passé, faire jaillir une flamme nouvelle. Dans la philosophie des Esprits, nous retrouvons la doctrine cachée qui embrasse tous les âges. Cette doctrine, elle la fait revivre ; elle en réunit les débris épars, les relie d'un ciment puissant, pour en reconstituer un monument capable d'abriter tous les peuples, toutes les civilisations. Pour en assurer la durée, elle l'assoit sur le roc de l'expérience directe, du fait sans cesse renouvelé. Grâce à elle, la certitude de la vie immortelle se précise aux yeux de tous, avec les existences innombrables et les progrès incessants qu'elle nous réserve dans la succession des temps. Une telle doctrine peut transformer peuples et sociétés, en portant la clarté partout où est la nuit, en faisant fondre à sa chaleur tout ce qu'il y a de glace et d'égoïsme dans les âmes, en révélant à tous les hommes les lois qui les unissent dans les liens d'une étroite solidarité. Elle fera la conciliation avec la paix et l'harmonie. Par elle, nous apprendrons à agir avec un même esprit et un même coeur. L'humanité, consciente de sa force, s'avancera d'un pas plus ferme vers ses magnifiques destinées. Cet enseignement, nous en exposerons les principes essentiels dans la deuxième partie de cet ouvrage ; après quoi nous indiquerons les preuves expérimentales, les faits d'observation sur lesquels ils reposent...

IX. - L'UNIVERS ET DIEU...

Plus haut que les problèmes de la vie et de la destinée, se dresse la question de Dieu. Si nous étudions les lois de la nature, si nous poursuivons la beauté idéale dont tous les arts s'inspirent, partout et toujours, au-dessus et audelà de tout, nous retrouvons l'idée d'un Être supérieur, nécessaire et parfait, source éternelle du bien, du beau et du vrai, à qui s'identifient la loi, la justice, la suprême raison. Le monde, physique et moral, est gouverné par des lois, et ces lois dénotent une intelligence profonde des choses qu'elles régissent. Elles ne procèdent pas d'une cause aveugle : le chaos, le hasard ne sauraient produire l'ordre et l'harmonie. Elles n'émanent pas des hommes : des êtres passagers, limités dans le temps et l'espace, ne pourraient créer des lois permanentes et universelles. Pour les expliquer, logiquement, il faut remonter jusqu'à l'Être générateur de toutes choses. On ne saurait concevoir l'intelligence sans la personnifier dans un être, mais cet être ne vient pas s'ajouter à la chaîne des êtres. Il est le Père de tous, la source même de la vie. La personnalité ne doit pas s'entendre ici dans le sens d'un être possédant une forme, mais plutôt comme l'ensemble des facultés constituant un tout conscient. La personnalité, dans la plus haute acception de ce mot, c'est la conscience, et c'est dans ce sens que Dieu est une personne, ou plutôt la personnalité absolue, et non pas un être ayant une forme et des limites. Dieu est infini et ne peut être individualisé, c'est-à-dire séparé du monde, ni subsister à part. Quant à se désintéresser de l'étude de la cause première comme inutile et inconnaissable, suivant l'expression des positivistes, nous nous demandons s'il est réellement possible à un esprit sérieux de se complaire dans l'ignorance des lois qui règlent les conditions de son existence. La recherche de Dieu s'impose...

Elle n'est autre que l'étude de la grande Ame, du principe de vie qui anime l'univers et se reflète en chacun de nous. Tout devient secondaire quand il s'agit du principe des choses. L'idée de Dieu est inséparable de l'idée de loi et surtout de loi morale, et nulle société ne peut vivre, ni se développer, sans la connaissance de la loi morale. La croyance en un idéal supérieur de justice fortifie la conscience et soutient l'homme dans ses épreuves. Elle est la consolation, l'espérance de ceux qui souffrent, le suprême refuge des affligés, des abandonnés. Comme une aurore, elle éclaire de ses douces clartés l'âme des malheureux. Sans doute on ne peut démontrer l'existence de Dieu par des preuves directes et sensibles ; Dieu ne tombe pas sous les sens. La Divinité s'est dérobée sous un voile mystérieux, peut-être pour nous contraindre à la rechercher, ce qui est bien l'exercice le plus noble et le plus fécond de notre faculté de penser, et aussi pour nous laisser le mérite de la découvrir. Mais il est en nous une force, un instinct sûr, qui nous porte vers elle et nous affirme son existence avec plus d'autorité que toutes les démonstrations et toutes les analyses. Dans tous les temps, sous tous les climats, - et c'est la raison d'être de toutes les religions, - l'esprit humain a senti le besoin de s'élever audessus de toutes les choses mobiles, périssables, qui constituent la vie matérielle et ne peuvent lui donner une complète satisfaction ; il a voulu s'attacher à ce qui est fixe, permanent, immuable dans l'univers ; il a compris l'existence d'un Être absolu et parfait, auquel il identifie toutes les puissances intellectuelles et morales...

Il a trouvé tout cela en Dieu, et rien en dehors de lui ne peut nous procurer cette sécurité, cette certitude, cette confiance en l'avenir, sans lesquelles nous flottons à tous les vents du doute et de la passion On nous objectera peut-être le funeste usage que les religions ont fait de l'idée de Dieu. Mais qu'importent les formes variées que les hommes ont prêtées à la divinité ? Ce ne sont plus là pour nous que des dieux chimériques, créés par la raison débile dans l'enfance des sociétés, ces formes poétiques, gracieuses ou terribles, étant appropriées aux intelligences qui les ont conçues. La pensée humaine, plus mûre, s'est éloignée de ces conceptions vieillies ; elle a oublié ces fantômes et les abus commis en leur nom, pour se porter d'un élan puissant vers la Raison éternelle, vers Dieu, Ame du monde, foyer universel de vie et d'amour, en qui nous nous sentons vivre comme l'oiseau vit dans l'air, comme le poisson vit dans l'océan, et par qui nous sommes reliés à tout ce qui est, a été et sera. L'idée que les religions se sont faite de Dieu s'appuyait sur une révélation prétendue surnaturelle. Nous admettons encore aujourd'hui une révélation des lois supérieures, mais celle-là est rationnelle et progressive ; elle se fait à notre pensée par la logique des choses et par le spectacle du monde. Elle est écrite dans deux livres sans cesse ouverts sous nos yeux : le livre de l'univers, où les oeuvres divines apparaissent en caractères grandioses ; le livre de la conscience, dans lequel sont gravés les préceptes de la morale...

Les indications des Esprits, recueillies sur tous les points du globe par des procédés simples et naturels, n'ont fait que la confirmer. C'est au moyen de ce double enseignement que la raison humaine communie avec la raison divine au sein de la nature universelle, qu'elle en comprend, qu'elle en goûte les harmonies et les beautés.A l'heure où le silence et la nuit s'étendent sur la terre, quand tout repose dans les demeures humaines, si nous portons nos regards vers l'infini des cieux, nous le verrons parsemé de feux innombrables. Des astres radieux, des soleils éblouissants, suivis de leurs cortèges de planètes, évoluent par milliers dans les profondeurs. Jusque dans les régions les plus reculées, des groupes stellaires se déploient comme des écharpes lumineuses. En vain le télescope sonde les cieux, nulle part il ne trouve de bornes à l'univers ; partout les mondes succèdent aux mondes, les soleils aux soleils ; partout des légions d'astres se multiplient au point de se confondre en une brillante poussière dans les abîmes sans fond de l'espace. Quelle parole humaine pourrait vous décrire, merveilleux diamants de l'écrin céleste ? Sirius, vingt fois plus grand que notre Soleil, lui-même égal à plus d'un million de globes terrestres réunis ; Aldébaran, Véga, Procyon, soleils roses, bleus, écarlates, astres d'opale et de saphir, qui déversez dans l'étendue vos rayons multicolores, rayons qui, malgré une vitesse de soixante et dix mille lieues par seconde, n'arrivent à nous qu'après des centaines et des milliers d'années !

Et vous, nébuleuses lointaines, qui enfantez des soleils, univers en formation, tremblantes étoiles à peine perceptibles, qui êtes des foyers gigantesques de chaleur, de lumière, d'électricité et de vie, mondes étincelants, sphères immenses ! et vous, peuples innombrables, races, humanités sidérales qui les habitez ! Notre faible voix s'essaye vainement à proclamer votre splendeur ; impuissante, elle se tait, tandis que notre regard ébloui contemple le défilé des astres. Et lorsque ce regard abandonne les vertigineux espaces pour observer les mondes plus voisins, les sphères, filles du Soleil, qui gravitent comme nous autour du foyer commun, qu'observe-t-il à leur surface ? Des continents et des mers, des monts et des plaines, d'épais nuages chassés par les vents, des neiges et des bancs de glace accumulés autour des pôles. Nous apprenons que ces mondes possèdent de l'air, de l'eau, de la chaleur, de la lumière, des saisons, des climats, des jours, des nuits, en un mot toutes les conditions de la vie terrestre, ce qui nous permet de voir en eux le séjour d'autres familles humaines, de croire, avec la science, qu'ils sont habités, l'ont été ou le seront un jour. Tout cela, astres flamboyants, planètes secondaires, satellites, comètes vagabondes, tout cela, suspendu dans le vide, s'agite, s'éloigne, se rapproche, parcourt des orbes déterminés, emporté par des vitesses effrayantes à travers les régions sans fin de l'immensité. Partout le mouvement, l'activité, la vie se manifestent dans le spectacle de l'univers, peuplé de mondes innombrables, roulant sans repos dans la profondeur des cieux Une loi règle cette circulation formidable, la loi universelle de gravitation. Elle seule soutient, fait mouvoir les corps célestes, dirige autour des soleils lumineux les planètes obéissantes...

Cette loi régit tout dans la nature, depuis l'atome jusqu'à l'astre. La même force qui, sous le nom d'attraction, retient les mondes dans leurs orbes, sous celui de cohésion, groupe les molécules et préside à la formation des corps chimiques. Si, après ce regard rapide jeté sur les cieux, nous comparions la terre que nous habitons aux puissants soleils qui se balancent dans l'éther, auprès d'eux, elle nous paraîtrait à peine comme un grain de sable, comme un atome flottant dans l'infini. La terre est un des plus petits astres du ciel. Et cependant, quelle harmonie dans sa forme, quelle variété dans sa parure ! Voyez ses continents découpés, ses péninsules effilées et les guirlandes d'îles qui les entourent ; voyez ses mers imposantes, ses lacs, ses forêts, ses végétaux, depuis le cèdre qui se dresse au flanc des monts jusqu'à l'humble fleur à demi cachée dans la verdure ; énumérez les êtres vivants qui la peuplent : oiseaux, insectes, plantes, et vous reconnaîtrez que chacun est une oeuvre admirable, une merveille d'art et de précision. Et le corps humain, n'est-il pas un vivant laboratoire, un instrument dont le mécanisme touche à la perfection ? Étudions en lui la circulation du sang, cet ensemble de valvules et de soupapes semblables à celles d'une machine à vapeur. Examinons la structure de l'oeil, cet appareil si compliqué qu'il surpasse tout ce que l'industrie de l'homme peut rêver ; la construction de l'oreille, si admirablement disposée pour recueillir les ondes sonores ; le cerveau, dont les circonvolutions internes ressemblent à l'épanouissement d'une fleur. Considérons tout cela ; puis, quittant le monde visible, descendons plus bas dans l'échelle des êtres, pénétrons dans ces domaines que le microscope nous révèle ; observons ce fourmillement d'espèces et de races qui confond la pensée...

Chaque goutte d'eau, chaque grain de poussière est un monde, et les infiniment petits qui le peuplent sont gouvernés par des lois aussi précises que les géants de l'espace. Tout est plein d'êtres, d'embryons, de germes. Des millions d'infusoires s'agitent dans les gouttes de notre sang, dans les cellules des corps organisés. L'aile d'une mouche, la moindre parcelle de matière, sont peuplées de légions de parasites. Et tous ces animalcules sont pourvus d'appareils de mouvement, de systèmes nerveux, d'organes de sensibilité qui en font des êtres complets, armés pour la lutte et les nécessités de l'existence. Jusqu'au sein de l'océan, à des profondeurs de huit mille mètres, vivent des êtres frêles, délicats, phosphorescents, qui fabriquent de la lumière et ont des yeux pour la voir. Ainsi, dans tous les milieux, une fécondité sans bornes préside à la formation des êtres. La nature est dans un enfantement perpétuel. De même que l'épi est en germe dans la graine, le chêne dans le gland et la rose dans son bouton, ainsi des genèses de mondes s'élaborent dans la profondeur des cieux étoilés. Partout la vie engendre la vie. D'échelons en échelons, d'espèces en espèces, par un enchaînement continu, elle s'élève des organismes les plus simples, les plus rudimentaires, jusqu'à l'être pensant et conscient, en un mot jusqu'à l'homme...

Une puissante unité régit le monde. Une seule substance, l'éther ou fluide universel, constitue dans ses transformations infinies l'innombrable variété des corps. Cet élément vibre sous l'action des forces cosmiques. Suivant la vitesse et le nombre de ses vibrations, il produit la chaleur, la lumière, l'électricité ou le fluide magnétique. Que ces vibrations se condensent, et aussitôt les corps apparaissent. Et toutes ces formes se relient, toutes ces forces s'équilibrent, se marient en de perpétuels échanges, dans une étroite solidarité. Du minéral à la plante, de la plante à l'animal et à l'homme, de l'homme aux êtres supérieurs, l'affinage de la matière, l'ascension de la force et de la pensée se produisent sur un rythme harmonique. Une loi souveraine règle sur un plan uniforme les manifestations de la vie, tandis qu'un lien invisible rattache tous les univers et toutes les âmes. Du travail des êtres et des choses, une aspiration se dégage, l'aspiration vers l'infini, vers le parfait. Tous les effets, divergents en apparence, convergent, en réalité, vers un même centre ; toutes les fins se coordonnent, forment un ensemble, évoluent vers un même but : Dieu ! Dieu, centre de toute activité, fin dernière de toute pensée et de tout amour. L'étude de la nature nous montre en tous lieux l'action d'une volonté cachée. Partout la matière obéit à une force qui la domine, l'organise et la dirige. Toutes les forces cosmiques se ramènent au mouvement, et le mouvement, c'est l'Être, la Vie. Le matérialisme explique la formation du monde par la danse aveugle et le rapprochement fortuit des atomes. Mais a-t-on jamais vu le jet au hasard des lettres de l'alphabet produire un poème ? Et quel poème que celui de la vie universelle ! A-t-on jamais vu un mélange de matériaux produire de lui-même un édifice de proportions imposantes ou une machine aux rouages nombreux et compliqués ? Livrée à elle-même, la matière ne peut rien. Inconscients et aveugles, les atomes ne sauraient se diriger vers un but...

L'harmonie du monde ne s'explique que par l'intervention d'une volonté. C'est par l'action des forces sur la matière, c'est par l'existence de lois sages et profondes que cette volonté se manifeste dans l'ordre de l'univers. On objecte souvent que tout n'est pas harmonique dans la nature. Si elle produit des merveilles, dit-on, elle enfante aussi des monstres. Le mal partout côtoie le bien. Si la lente évolution des choses semble préparer le monde à devenir le théâtre de la vie, il ne faut pas perdre de vue le gaspillage des existences et la lutte ardente des êtres. Il ne faut pas oublier que des tremblements de terre, des éruptions de volcans désolent parfois notre planète et détruisent en quelques instants les travaux de plusieurs générations. Oui, sans doute, il y a des accidents dans l'oeuvre de la nature, mais ces accidents n'excluent pas l'idée d'ordre, de finalité ; au contraire, ils viennent à l'appui de notre thèse, car nous pourrions nous demander pourquoi tout n'est pas accident. L'appropriation des causes aux effets, des moyens au but, celle des organes entre eux, leur adaptation aux milieux, aux conditions de la vie, sont manifestes. L'industrie de la nature, analogue sur bien des points et supérieure à celle de l'homme, prouve l'existence d'un plan, et la mise en oeuvre des éléments qui concourent à sa réalisation dénote une cause occulte, infiniment sage et puissante. Quant à l'objection des monstres, elle provient d'un défaut d'observation. Les monstres ne sont que des germes déviés. Si un homme en tombant se casse la jambe, en fera-t-on remonter la responsabilité à la nature et à Dieu ? De même, par suite d'accidents, de désordres survenus pendant la gestation, les germes peuvent subir des déviations dans le sein de la mère...

Nous sommes habitués à dater la vie de la naissance, de l'apparition de l'être à la lumière, mais la vie a son point de départ beaucoup plus loin. L'argument tiré de l'existence des fléaux a pour origine une fausse interprétation du but de la vie. Celle-ci ne doit pas seulement nous procurer des agréments : il est utile, il est nécessaire qu'elle nous présente aussi des difficultés. Nous sommes tous nés pour mourir, et nous nous étonnons que certains hommes meurent par accident ! Êtres passagers en ce monde, dont nous n'emportons rien dans l'au-delà, nous nous lamentons de la perte de biens qui se seraient perdus d'eux-mêmes en vertu des lois naturelles ! Ces événements effroyables, ces catastrophes, ces fléaux portent en eux un enseignement. Ils nous rappellent que nous n'avons pas seulement à attendre de la nature des choses agréables, mais surtout des choses propices à notre éducation et à notre avancement ; que nous ne sommes pas ici-bas pour jouir et nous endormir dans la quiétude, mais pour lutter, travailler, combattre. Ils nous disent que l'homme n'est pas fait uniquement pour la terre, qu'il doit regarder plus haut, ne s'attacher aux choses matérielles que dans une juste mesure et songer que son être n'est pas détruit par la mort. La doctrine de l'évolution n'exclut pas celle des causes premières et des causes finales. La plus haute idée que l'on puisse se faire d'un ordonnateur, c'est de le supposer formant un monde capable de se développer par ses propres forces, et non par une intervention incessante et de continuels miracles. La science, à mesure qu'elle avance dans la connaissance de la nature, a pu faire reculer Dieu, mais Dieu a grandi en reculant...

L'Être éternel, au point de vue théorique de l'évolution, est devenu autrement majestueux que le Dieu fantasque de la Bible. Ce que la science a ruiné à jamais, c'est la notion d'un Dieu anthropomorphe, fait à l'image de l'homme et extérieur au monde physique. Une notion plus haute est venue se substituer à celle-ci : celle d'un Dieu immanent, toujours présent au sein des choses. L'idée de Dieu n'exprime plus aujourd'hui pour nous celle d'un être quelconque, mais l'idée de l'Être, lequel contient tous les êtres. L'univers n'est plus cette création76, cette oeuvre tirée du néant, dont parlent les religions. L'univers est un organisme immense, animé d'une vie éternelle. De même que notre propre corps est dirigé par une volonté unique qui commande ses actes et règle ses mouvements ; de même que chacun de nous, à travers les modifications de sa chair, se sent vivre dans une unité permanente que nous nommons l'âme, la conscience, le moi, ainsi l'univers, sous ses formes changeantes, variées, multiples, se connaît, se réfléchit, se possède dans une unité vivante, dans une raison consciente qui est Dieu. L'Être suprême n'existe pas en dehors du monde ; il en est partie intégrante, essentielle. Il est l'unité centrale, où viennent aboutir et s'harmoniser tous les rapports, le principe de solidarité et d'amour par lequel tous les êtres sont frères. Il est le foyer d'où rayonnent et se répandent dans l'infini toutes les puissances morales : la sagesse, la justice, la bonté !

Il n'est donc pas de création spontanée, miraculeuse ; la création est continue, sans commencement ni fin. L'univers a toujours existé ; il possède en soi son principe de force, de mouvement ; il porte son but en lui-même. Le monde se renouvelle incessamment dans ses parties ; dans son ensemble, il est éternel. Tout se transforme et évolue par le jeu continu de la vie et de la mort, mais rien ne périt. Tandis que, dans les cieux, des soleils s'obscurcissent et s'éteignent, tandis que des mondes vieillis se désagrègent et s'évanouissent, sur d'autres points, des systèmes nouveaux s'élaborent, des astres s'allument, des mondes naissent à la lumière. A côté de la décrépitude et de la mort, des humanités nouvelles s'épanouissent dans un rajeunissement éternel. L'oeuvre grandiose se poursuit à travers les temps sans bornes et les espaces sans limites, par le travail de tous les êtres, solidaires les uns des autres, et au profit de chacun d'eux. L'univers nous offre le spectacle d'une évolution incessante, à laquelle tous participent. Un principe immuable préside à cette oeuvre : c'est l'unité universelle, l'unité divine, laquelle embrasse, relie, dirige toutes les individualités, toutes les activités particulières, en les faisant converger vers un but commun, qui est la perfection dans la plénitude de l'existence...

En même temps que les lois du monde physique nous montrent l'action d'un sublime ordonnateur, les lois morales, par l'intermédiaire de la conscience et de la raison, nous parlent éloquemment d'un principe de justice, d'une providence universelle. Le spectacle de la nature, la vue des cieux, des montagnes, de la mer, présentent à notre esprit l'idée d'un Dieu caché dans l'univers. La conscience le montre en nous, ou plutôt elle montre en nous quelque chose de lui : c'est le sentiment du devoir et du bien ; c'est un idéal moral vers lequel tendent les facultés de l'esprit et les sentiments du coeur. Le devoir ordonne impérieusement ; il s'impose ; sa voix commande à toutes les puissances de l'âme. Il y a en lui une force qui pousse les hommes jusqu'au sacrifice. Lui seul donne à l'existence sa grandeur, sa dignité. La conscience est la manifestation en nous d'une puissance supérieure à la matière, d'une réalité vivante et agissante.La raison nous parle également de Dieu. Les sens nous font connaître le monde matériel, le monde des effets ; la raison nous révèle le monde des causes ; elle est supérieure à l'expérience. Celle-ci constate les faits, la raison les groupe et en déduit les lois. Elle seule nous démontre qu'à l'origine du mouvement et de la vie se trouve l'intelligence, que le moins ne peut contenir le plus, ni l'inconscient produire le conscient, ce qui résulterait cependant de la conception d'un univers s'ignorant lui-même. La raison a découvert les lois universelles avant l'expérience ; celle-ci n'a fait que confirmer ses vues et en fournir la preuve. Mais il y a des degrés dans la raison ; cette faculté n'est pas également développée chez tous les hommes...

De là, l'inégalité et la variété de leurs opinions. Si l'homme savait se recueillir et s'étudier, s'il écartait de son âme toute l'ombre qu'y accumulent les passions ; si, déchirant le voile épais dont les préjugés, l'ignorance, les sophismes l'ont enveloppée, il descendait au fond de sa conscience et de sa raison, il y trouverait le principe d'une vie intérieure tout opposée à la vie du dehors. Par elle, il pourrait entrer en relations avec la nature entière, avec l'univers et Dieu, et cette vie lui donnerait comme un avant-goût de celle que lui réservent l'avenir d'outre-tombe et les mondes supérieurs. Là aussi est le livre mystérieux où tous ses actes, bons ou mauvais, s'inscrivent, où tous les faits de sa vie se gravent en caractères ineffaçables, pour reparaître dans une éblouissante clarté à l'heure de la mort. Parfois une voix puissante, un chant grave et sévère s'élève de ces profondeurs de l'être, retentit au milieu des occupations frivoles et des soucis de notre vie, pour nous rappeler au devoir. Malheur à celui qui refuse de l'entendre ! Un jour viendra où le remords lui apprendra qu'on ne repousse pas en vain les avertissements de la conscience.Il est en chacun de nous des sources cachées d'où peuvent jaillir des flots de vie et d'amour, des vertus, des puissances sans nombre. C'est là, dans ce sanctuaire intime, qu'il faut chercher Dieu. Dieu est en nous, ou tout au moins il y a en nous un reflet de lui. Or, ce qui n'est pas ne saurait être reflété. Les âmes reflètent Dieu comme les gouttes de la rosée du matin réfléchissent les feux du soleil, chacune suivant son degré de pureté. C'est par cette perception intérieure, et non par l'expérience des sens, que les hommes de génie, les grands missionnaires, les prophètes ont connu Dieu et ses lois, et les ont révélés aux peuples de la terre...

Peut-on pousser plus loin que nous l'avons fait la définition de Dieu ? Définir, c'est limiter. En face de ce grand problème, l'humaine faiblesse apparaît. Dieu s'impose à notre esprit, mais il échappe à toute analyse. L'Être qui remplit le temps et l'espace ne sera jamais mesuré par des êtres que le temps et l'espace limitent. Vouloir définir Dieu, ce serait le circonscrire et presque le nier. Les causes secondaires de la vie universelle s'expliquent, mais la cause première reste insaisissable dans son immensité. Nous ne parviendrons à la comprendre qu'après avoir traversé bien des fois la mort. Tout ce que nous pouvons dire pour nous résumer, c'est que Dieu est la vie, la raison, la conscience, dans leur plénitude. Il est la cause éternellement agissante de tout ce qui est, la communion universelle où chaque être vient puiser l'existence, pour ensuite concourir, dans la mesure de ses facultés grandissantes et de son élévation, à l'harmonie de l'ensemble. Nous voilà bien loin du Dieu des religions, du Dieu « fort et jaloux » qui s'entoure d'éclairs, réclame des victimes sanglantes et punit pour l'éternité. Les Dieux anthropomorphiques ont vécu. On parle bien encore d'un Dieu auquel on attribue les faiblesses et les passions humaines, mais ce Dieu voit chaque jour s'amoindrir son empire. Jusqu'ici, l'homme n'a vu Dieu qu'à travers son propre être, et l'idée qu'il s'en est faite a varié selon qu'il le contemplait avec l'une ou l'autre de ses facultés. Considéré à travers le prisme des sens, Dieu est multiple ; toutes les forces de la nature sont des dieux ; ainsi est né le polythéisme. Vu par l'intelligence, Dieu est double, esprit et matière, de là le dualisme. A la raison pure, il apparaît triple : âme, esprit et corps. Cette conception a donné naissance aux religions trinitaires de l'Inde et au christianisme...

Perçu par la volonté, saisi par la perception intime, propriété lentement acquise, comme s'acquièrent toutes les facultés du génie, Dieu est l'Unique et l'Absolu. En lui, les trois principes fondamentaux de l'univers se relient pour constituer une unité vivante. Ainsi s'explique la diversité des religions et des systèmes, d'autant plus élevés qu'ils ont été conçus par des esprits plus purs et plus éclairés. Quand on considère les choses de haut, les oppositions d'idées, les religions et les faits historiques s'expliquent et se réconcilient dans une synthèse supérieure. L'idée de Dieu, sous les formes diverses qu'elle a revêtues, évolue entre deux écueils, sur lesquels ont échoué nombre de systèmes. L'un, le panthéisme, conclut à l'absorption finale des êtres dans le Grand Tout. L'autre est la notion d'infini, qui éloigne tellement Dieu de l'homme, qu'elle semble supprimer tout rapport entre eux. La notion d'infini a été combattue par certains philosophes. Quoique incompréhensible, on ne saurait cependant l'écarter, car elle reparaît en toutes choses. Par exemple, qu'y-a-t-il de plus solide que l'édifice des sciences exactes ? Le nombre en est la base ; sans lui, il n'est plus de mathématiques. Or, il est impossible, y emploierait-on des siècles, de trouver le nombre exprimant les nombres infinis dont la pensée nous démontre l'existence. Il en est de même du temps et de l'espace. Au-delà des limites du monde visible, la pensée cherche d'autres limites qui, sans cesse, se dérobent à son atteinte. Une seule philosophie paraît avoir évité ce double écueil et réussi à relier des principes opposés en apparence. C'est celle des Druides gaulois. Ils s'exprimaient ainsi dans la triade 4878 : « Trois nécessités de Dieu : être infini en lui-même, être fini par rapport au fini, et être en rapport avec chaque état des existences dans le cercle des mondes... »

Ainsi, d'après cet enseignement à la fois simple et rationnel, l'Être infini et absolu par lui-même se fait relatif et fini avec ses créatures, se dévoilant sans cesse sous des aspects nouveaux, à mesure de l'avancement et de l'élévation des âmes. Dieu est en rapport avec tous les êtres. Il les pénètre de son esprit et les embrasse de son amour, pour les unir dans un lien commun et les aider à réaliser ses vues. Sa révélation, ou plutôt l'éducation qu'il donne aux humanités, se fait graduelle et progressive, par le ministère de ses grands Esprits. L'intervention providentielle se manifeste dans l'histoire par l'apparition, aux temps voulus, au sein de ces humanités, des âmes d'élite chargées d'y introduire les innovations, les découvertes qui accéléreront leurs progrès, ou d'enseigner les principes d'ordre moral nécessaires à la régénération des sociétés...Un Extrait/Après La Mort/Léon Denis

Lecture très enrichissante à Suivre ICI... http://www.leon-denis.org/Livres/AM.pdf

Posté Par Cristalyne 14 Octobre 2016  Colonne de feu 2