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***La puissance de la volonté ***

Sache ceci : la tentation du mal ne demeure jamais chez l'homme fort sans grande bénédiction et sans fruit ! Ecoute donc :
Il y a deux types d'hommes. L'un est ainsi fait qu'il n'est sujet à aucune faiblesse ou du moins l'est rarement. L'autre lui est sujet : son homme extérieur est facilement enflammé par la présence sensible des choses, que ce soit à la colère, ou la vaine ostentation, ou aussi à la sensualité, selon les cas ; mais dans sa puissance suprême il se tient inébranlablement droit et n'est pas disposé à céder à la faiblesse, mais combat contre elle de toutes ses forces. Et pourtant elle réside peut-être dans sa nature, comme quand quelqu'un est foncièrement irascible ou orgueilleux ou autre chose de ce genre, mais il n'en vient pas à l'acte coupable ! Celui-ci doit être loué incomparablement davantage, son gain est beaucoup plus grand, sa vertu beaucoup plus noble que ne l'était celle du premier. La perfection ne vient que de l'épreuve. Comme dit saint Paul : " La vertu se parfait dans la faiblesse...


 La propension à pécher n'est pas encore le péché - mais la volonté de pécher est déjà le péché. En vérité ! l'homme bien conseillé, s'il avait le pouvoir de faire un souhait, il ne ferait pas celui de voir disparaître en lui la disposition au péché. Car sans elle l'homme vivrait en ce monde dans l'insécurité malgré toutes ses oeuvres, il ne serait pas sur ses gardes et en outre lui ferait défaut l'honneur de la lutte comme la récompense de la victoire. Ce n'est que le choc et la secousse produits par les penchants mauvais qui produisent la vertu comme récompense d'un dur effort : une telle propension nous rend plus appliqués pour nous exercer à tout moment dans la vertu, elle nous pousse de force vers la vertu, comme un fouet sévère qui contraint à la vigilance et à l'éducation de soi-même. C'est pourquoi plus quelqu'un se trouve faible, mieux il pourra se pourvoir en force et en victoire. Car la vertu comme le vice repose sur la volonté. On ne doit se laisser effrayer par aucune déception pourvu qu'on se trouve en état de bonne volonté. Et ne pas prendre trop à coeur si on ne peut la parfaire en actes, mais plutôt ne pas se croire éloigné de la vertu, dans la mesure où l'on sent qu'on a la volonté saine : car la vertu, et toute bonté, ne repose que sur la bonne volonté. Rien ne peut te manquer, ni l'amour, ni l'humilité, ni aucun autre avantage, si tu as par ailleurs une vraie volonté bonne. Mais ce que tu veux de toutes tes forces et de toute ta volonté, tu le possèdes, et Dieu ni toutes les créatures ne peuvent te l'enlever. A condition que ta volonté soit entière, divine et présente devant Dieu. Pas un "je voudrais bien" - ce serait quelque chose de futur ; mais "je veux que ce soit donc maintenant" ! Réfléchis un peu : même si un objet est éloigné de mille kilomètres et si je prends la volonté de le posséder, il est plus ma propriété que ce que je tiens dans mon sein et que je ne veux pas posséder.

  Et la puissance d'une bonne volonté n'est en rien moindre que celle d'une mauvaise. Même si je ne fais rien de mal, mais si j'ai néanmoins la volonté du mal, j'ai commis le péché comme si j'avais accompli la mauvaise action. Dans une volonté décidée je peux me charger d'autant de culpabilité que si j'avais assassiné le monde entier et n'ai pourtant pas besoin pour cela de bouger un doigt. Pourquoi la même chose ne serait-elle pas possible pour la bonne volonté, oui et encore incomparablement plus ? Et réellement avec ma volonté je peux tout : je peux porter la peine de tous les hommes, je peux nourrir tous les pauvres et faire le travail de tous les hommes et toute autre chose que tu peux imaginer. S'il n'y a pas manque de volonté mais seulement de pouvoir, en vérité ! devant Dieu tu as fait tout cela, et personne ne peut te le prendre ni te le contester un seul instant.
  Car vouloir faire, dès que je le peux, et avoir fait, c'est la même chose devant Dieu. Si je voulais par exemple posséder autant de savoir que l'humanité en a jamais eu en partage, en vérité ! je le possède. Car ce que je veux avoir, je l'ai. Ou si je désirais avoir de l'amour comme aucun homme n'en a jamais eu, ou magnifier Dieu, ou quoi que ce soit d'autre : tu possèdes tout cela, si ta volonté est entière.
  Maintenant tu pourrais demander : quand donc la volonté est-elle droite et entière ?
Quand elle a abdiqué toute propriété, est sortie d'elle-même et est formée et transformée dans la volonté de Dieu ! Plus il en est ainsi plus ta volonté est une volonté droite et réelle, au moyen de laquelle tu es capable de tout, que ce soit d'aimer Dieu ou tout ce que tu veux.On objecte : " Mais comment puis-je posséder l'amour de Dieu quand je n'en ai pourtant pas le moindre soupçon ni sentiment ? Comme je vois en d'autres gens qui ont à faire voir de grandes oeuvres, et je trouve en eux une merveilleuse ferveur, qui me manque pourtant entièrement ? "

Ici il te faut distinguer dans cet amour deux aspects : une essence - et une oeuvre ou une percée de cette essence !
Le lieu de l'amour est uniquement la volonté : qui a plus de volonté il a aussi plus d'amour. Mais qui en a le plus, personne d'autre ne le sait, cela gît caché dans l'âme : parce que Dieu gît caché dans le fond de l'âme. En ce sens l'amour débouche entièrement dans la volonté : qui a plus de volonté il a aussi plus d'amour.
Mais il y a encore là une seconde chose, une percée et une manifestation de l'amour, qui, naturellement, saute aux yeux sous la forme de transports, de piété et de joie jubilante. Mais, franchement, ce n'est aucunement le mieux ! Car parfois ce n'est pas l'amour de Dieu, mais quelque chose de purement naturel, qui est à l'origine des sentiments tendres de ce genre. Ce peut être l'influence du ciel, mais ce peut aussi être produit par les sens, et ceux qui éprouvent le plus abondamment des sentiments de ce genre n'en sont pas pour cela, il s'en faut, les meilleurs. Car même en admettant que ces sentiments proviennent réellement de Dieu, Notre-Seigneur les envoie à certaines gens pour les rendre curieux et les attirer, sans compter que des expériences de ce genre exercent une forte influence pour arracher l'homme à son entourage. Mais les mêmes hommes, quand par la suite ils ont fait des progrès dans l'amour de Dieu, n'ont peut-être plus tant de " sentiments " et d' "expériences" ! Et ce n'est qu'à ceci qu'on peut voir s'ils possèdent réellement l'amour de Dieu à la mesure dans laquelle ils peuvent sans un soutien de ce genre observer envers Dieu une fidélité inébranlable...
Maître Eckhart

Amour et ravissement

Source...http://dieujesus.free.fr/spiritualite_chretienne.htm

 

Publié par Cristalyne 16 Novembre 2016 Colonne de feu 2