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LA DIMENSION SPIRITUELLE DE RUDHYAR

par Jean-Yves LELOUP

Etre spirituel pour un grec, c’est avoir un ‘noûs’ éveillé c’est à d1re une 1ntell1gence subtile, la fine pointe de l’âme éveillée à la lumière ; à la lumière de l’Etre.

Etre spirituel chez un sémite c’est être animé par le Souffle.Être inspiré.

Quand on parle de quelqu’un de “spirituel“ veut on dire par la qu’il est très intelligent qu’il a de l’esprit ? Ou qu’il “respire“ bien ; Qu’il respire profondément ; Qu’il est inspiré… ?

Quelle est la spiritualité de Dane Rudhyar ? la spiritualité d’un grand intellectuel Spirituel au sens grec du terme certainement, dans le sens ou ce qu’il cherche est la vision de l’Etre, la vision de cette Lumière dans laquelle toutes choses peuvent trouver leur place leur relation. Mais il est aussi spirituel dans le sens sémite du terme. Étant considéré par beaucoup comme un prophète comme un inspire annonçant un « âge nouveau ». Une façon nouvelle d’envisager, d’observer, d’accueillir ce qui Est, ce qui est éternel. Parce qu’il n y a jamais rien de nouveau… Seul l’éternel est neuf. Tout le reste devient vieux…

Mais plutôt que de parler théoriquement de la spiritualité de Dane Rudhyar – il y aurait beaucoup de références à donner- je ne vous citerai qu’un de ses poèmes.

Pour moi, être spirituel est avant tout être poète. Le poète a cet avantage sur le spirituel religieux de ne pas être dogmatique.

Le poète est capable de redonner aux mots leur dimension symbolique. Alors les mots demeurent « ouverts », n’imposent rien… C’est dans ce sens-là que Dane Rudhyar est un spirituel : il a ouvert l’astrologie à d’autres dimensions. Il lui a rendu sa fonction poétique.

Il offre « d’habiter poétiquement sur la Terre ». De considérer l’homme poétiquement… C’est peut-être dans ce sens-là qu’on peut dire qu’il est « spirituel ».

Voici donc un de ses poèmes, retrouvé il y a quelques jours à peine… 

Il faut toujours chercher, même quand tout est connu…

Il faut toujours aimer, même quand tout a déçu…

Il faut toujours prier, même quand rien n’est reçu…

Le chemin qui mène à un but, n’est pas le vrai chemin.

L amour qui donne le bonheur n est pas le grand Amour.

Et la prière des affames creuse encore plus l’âme vide.

Chercher sans répit. Aimer sans cesse.

Toujours se lier au Miraculeux… Et n’attendre rien.

Ne rien espérer, ne rien désirer…

Mais très simplement marcher, toujours marcher,

De pas en pas.

La mélodie divine s’égrenant d’elle-même…

Au chapelet transparent de la vie journalière...

J’essaierai simplement d entrer en résonance avec ce poème. Je ne parlerai pas de « la » spiritualité chez Rudhyar, mais j’essaierai d’entrer en écho avec cet écrit, cet acte spirituel. “Toujours marcher, même quand tout est connu“

Ce qui est connu, c’est peu. Le véritable savant, comme le véritable spirituel, sait bien que ce qu’il sait n’est rien à côte de ce qu’il ne sait pas. Nous savons quelque chose… Et c’est infini qui reste à connaître. Et alors parfois, nous pouvons être ivre, non pas du vin que l’on a bu, mais du vin que l’on n’a pas bu… Que l’on ne boira jamais. C’est aussi une parole des Béguines, de Marguerite Porete.

Le scientifique peut être ivre à certains moments : Quand il est au bord, au terme de son investigation, de sa connaissance, et qu’il touche l’infini de ce qu’il ne sait pas. Comme l’amant peut être ivre au moment ou il voit dans l’être aimé non pas ce qu’il connait, ce qu’il a perçu, mais tout l’abime qui reste à découvrir.

Le mystique sait bien que ce qu’il sait de Dieu n’est rien à côté de l’infini qui s’ouvre a lui.

Etre spirituel c’est avoir l’intelligence non arrêtée par ce que l’on sait. Et l’imbécile est celui dont l’intelligence est arrêtée par son savoir, même s’il sait beaucoup… Ainsi peut-il être très savant, il n’en demeure pas moins un imbécile…

La spiritualité est ce qui ouvre notre intelligence, notre connaissance à ce qu’elle ne sait pas, et la garde dans l’ouvert… “Toujours chercher, même quand tout est connu“.

“Toujours aimer, même quand tout a déçu“

 Nous sommes déçus à la mesure de nos attentes. Et plus nous attendons d une personne, d’une doctrine, d’un enseignement, plus nous attendons de l’astrologie, plus nous risquons d’être déçu par elle. La déception est toujours à la mesure de notre attente.

Et là, Dane Rudhyar nous rappelle, nous invite à une qualité de connaissance et d’amour qui ne s’arrête pas à la déception. Il nous invite a éveiller en nous une qualité d’amour sans attentes, sans demandes, au delà de nos besoins –  besoins bien sur naturels, ayant tous en nous un enfant qui cherche, qu’appelle. Nous hébergeons tous en nous un enfant souvent déçu, souvent malheureux, parce que l’autre n’est pas tout ce qu’il attend.

“Aimer, même quand tout a déçu… Il y a là, dans ces mots très simples, une attitude à proprement parler « spirituelle  »

“Toujours prier, même quand rien n’est reçu « 

 La Dane Rudhyar nous conduit vers l’essence de la prière. Prier n’est pas seulement demander quand on a besoin, prier n’est pas seulement crier quand on a mal.

Prier, c’est aussi louer, rendre grâce, remercier pour ce qui est. Aussi et surtout quand ce qui est, n’est rien de ce que l’on attendait.

Etre capable d’accueillir inattendu pas toujours l’inattendu agréable qui nous surprend et nous console mais aussi ces souffrances inattendues. Etre capable de les prier et de les remercier.

Dans le domaine de l’astrologie, cette parole est importante. On peut utiliser l’astrologie dans un sens déterministe, prévisionnel, et ce qu1 a été prévu, attendu, ce qu’on voulait recevoir n’est pas reçu là Rudhyar nous rappelle que les prévisions, les orientations, les prédictions ne sont Jamais que des modifications. L astrologie n’est pas un fatalisme. Et ce qui l’empêche de devenir un fatalisme est cette attitude du coeur qui n’est pas arrêté par ce qu’il sait, par ce qu’il aime, par ce qu’il attend, par ce qu’il reçoit. Et dans le fait même de ne rien recevoir de ce qu’il attend, le chemin reste ouvert pour une plus grande découverte.

Puis Dane Rudhyar continue en disant que « Le chemin qui mène à un but, n’est pas le vrai chemin…».

Alors pourquoi marcher si le chemin n’a pas de but ?

Nous ne savons marcher que pour aller quelque part.

Voici encore un des éléments essentiels de la vie spirituelle : c’est le chemin lui même qui est le but ! Chaque pas est le but !

Nous marchons trop souvent de long en large… Nous oublions de marcher en profondeur. Chaque pas sur le chemin, chaque rencontre est déjà le but. Et nous ne voyons pas ce que nous rencontrons parce que nous attendons autre chose, parce que nous regardons au delà de ce que nous rencontrons, le but parfois nous cache le chemin.

Je pense à cette parole du Christ qui disait : “Qui me voit, voit le Père…“Qui voit le Chemin, voit le but. Parce que le chemin touche au but, et le touche dans la marche. Le but est de marcher, d’avancer ! Quelque soit la représentation que l’on se fait du terme. Le Vrai chemin est celui qui s’ouvre à chacun de nos pas, dans la conscience même de la marche.

“L’amour qui donne le bonheur, n’est pas le grand Amour…“

Cela peut sembler plus difficile à entendre, plus paradoxal, parce que nous aimons pour être heureux. Nous demandons de l’amour pour être plus heureux. Et la il nous est dit que cet amour qui donne le bonheur n’est pas le grand Amour. Est-ce que le grand Amour nous rendrait malheureux ?

Le grand Amour n’a pas à nous rendre heureux ou malheureux. Ce qui est dit ici n’est pas loin de ce que disent les mystiques : l’amour est à la fois ce qui nous comble et ce qui nous creuse. Ce qui nous pacifie et ce qui nous crucifie…

Il peut nous conduire au-delà du bonheur et du malheur. Il nous rend justement capable d’aller au-delà de ce que l’on appelle le bonheur ou le malheur, au-delà du psychisme. Et c’est là que commence le spirituel. Aujourd’hui, quand on parle de spirituel, il ne s’agit pas, la plupart du temps de spiritualité, puisque nous sommes dans le psychisme. Tant que nous sommes dans le bonheur ou dans le malheur, nous sommes dans le psychisme, dans l’ego, dans le Moi. Le grand Amour nous conduit justement au-delà du Moi.

Je pense à cette belle parole du Cantique des Cantiques, quand la bien- aimée dit : « Viens, Borée, viens Simoun. Souffle sur ton jardin et qu’il répande ses aromates ». Borée, c’est le vent du nord, le vent froid, Simoun est le vent du désert, le vent chaud. Ici la bien-aimée est arrivée au moment où peut lui importe d’avoir chaud ou froid, que cet amour la rende heureuse ou malheureuse, pourvu que Lui soit là !

Il peut être là le grand Amour : quand on ne demande plus à l’autre de nous rendre heureux, que l’on n’a plus peur qu’il nous fasse souffrir. On ne lui demande rien d’autre que d’être lui-même, et la grâce de l’aimer. Même si l’on ne sent rien, même si l’on ne voit rien, et même s’il ne nous avoue rien de son propre amour. L’Amour spirituel ne donne pas le bonheur, ne donne pas le malheur, ne flatte pas l’ego. Il n’enthousiasme pas le psychisme, il nous conduit dans ce monde de l’Esprit, le monde du « pneuma », où le simple souffle est vécu comme un baiser. Parce que dans mon souffle est le Souffle même du Vivant. Dans le grand Amour on respire. 0n est au large, l’autre ne nous appartient pas, nous ne lui appartenons pas. S’il nous est donné de nous rencontrer, de nous respirer, c’est pure grâce !

Et la grâce ce n’est pas toujours ce qui rend heureux…

C’est ce qui est ! Ce qui donne la force, l’énergie de marcher un peu plus loin, d’être sensible aussi à la prière des affamés dont il est question dans ce poème.

« La prière des affamés creuse encore plus l’âme vide… »

Le grand Amour élargit le coeur, lui donne la vastitude. Et alors, à travers l’être aimé, ce sont tous les êtres qui sont aimés. Dans leur faim, dans leurs creux, dans leurs manques. Et leur vide creuse notre propre vide. Il n’y a pas de bonheur possible tant que tous ne sont pas heureux…

C’est encore une de ces évidences spirituelles que nous apprend le véritable Amour. On ne peut pas être heureux, complètement heureux tant qu’un seul être souffre… Et je suis responsable du lieu de bonheur qui est en moi-même, pour qu’il se communique à tout le corps et à tout l’univers.

“Chercher sans répit, aimer sans cesse, toujours se lier au miraculeux…“

Parole étrange que « toujours se lier au miraculeux »… Elle dit bien que chez Dane Rudhyar, la spiritualité c’est aussi avoir le sens de la merveille, de l’émerveillement. Si le commencement de la sagesse ou de la philosophie est l’étonnement, le commencement de la mystique ou de la spiritualité est l’émerveillement.

Je pense à cette parole de Saint Augustin : « Vous vous étonnez parce que le Christ change l’eau en vin… mais c’est ce que fait la vigne tous les ans… Mais vous êtes tellement fermés que vous avez besoin d’extraordinaire pour ouvrir les yeux à la merveille d’une simple chose. Et de cette lumière parmi les choses qu’on appelle l’étoile… Se lier au miraculeux, avoir le sens du miracle.

Le sens du miracle n’est pas le sens du fantastique, de l’extraordinaire. Là aussi dans la spiritualité aujourd’hui, on mélange fantastique et miraculeux. 0n recherche des expériences extra-ordinaires et l’on oublie que le miracle est de regarder les choses avec une « extra-ordinaire attention » !

Et d’y voir alors le miracle de l »existé »… qu’il y ait quelque chose plutôt que rien… là est l’Amour manifeste.

Toujours se lier au miraculeux, avoir ce sens de l’émerveillement devant ce qui Est. Devant un thème, devant un visage, devant ce que chacun a à incarner. Cette merveille qu’il est, cet inconnu qu’il est…

« N’attendre rien, ne rien désirer, ne rien espérer… »

D’où vient chez Dane Rudhyar cette insistance sur le rien… Comme si espérer quelque chose nous empêchait de voir que tout nous est donné…

Chercher le bonheur nous empêcherait d’être heureux…

Le bonheur est ce que nous sommes dans l’instant.

Comme si désirer… désirer quelque chose, nous privait du plaisir… ?

Le plaisir est toujours dans le présent, le désir est dans l’avenir.

Et pourtant, marcher… sans attente, sans désir, sans espérance… est-ce possible ?

C’est sans doute marcher sans distraction. Marcher avec une présence qui creuse chacun de nos pas, qui nous tient droit et debout, dans une verticale qui relie le ciel et la terre. Qui nous relie à notre étoile.

Très simplement marcher, toujours marcher…

Là, sans le savoir, en tout cas sans y faire référence, Dane Rudhyar parle en écho des Béatitudes. Dans ce qu’on traduit généralement par : « Bienheureux les pauvres en esprit, bienheureux les doux… », « macarios » est la traduction du grec, mais derrière ce mot grec, il y a un mot hébreux qui veut dire « en marche ». Le bonheur est dans la marche. Le malheur est de s’arrêter. Le malheur est de s’identifier à ses symptômes, de s’identifier à son thème…

Etre en marche au coeur de ses symptômes. En marche ceux qui pleurent…, ceux qui souffrent. Vous avez des symptômes, mais vous n’êtes pas ces symptômes ! En marche, ceux dont les déterminations héréditaires sociales astrologiques, cosmiques, semblent parfois un peu lourdes.

En marche à travers le poids des jours… Le bonheur est dans la marche, la spiritualité c’est de ne pas s’arrêter.

Un jour on demande à un sage : « Qu’est-ce que le Tao ? » Et il répond : « Va ! »

« Va… » Jésus le dit aussi à la femme adultère. Va, en marche… Ne t’arrête pas aux conséquences négatives de tes actes… Il dit la même chose aux collecteurs d’impôts…

Va plus loin… Va plus loin que le Moi. Plus loin que ce à quoi tu identifies ton Moi…

Tu as tous les symptômes de cette maladie, mais tu n’es pas que cette maladie… N’oublie pas le sujet qui est malade… Le sujet qui marche… en boitant peut-être, mais mieux vaut marcher en boitant, en claudiquant, vers la Lumière, que de marcher en dansant vers l’abîme…

« Toujours marcher, de pas en pas, la mélodie divine s’égrenant d’elle-même, au chapelet transparent de la vie journalière… »

Ce chapelet est chacun de nos pas, chacun de nos souffles, chacune de nos rencontres. Et chaque élément de cette vie quotidienne, triviale parfois, c’est un des Noms de Dieu, des Noms terribles, des Noms lumineux, ennuyeux. Chaque instant décline à sa façon une qualité de l’Etre. Chaque grain du chapelet de notre existence, chaque instant du chapelet, pas toujours transparent, de notre vie quotidienne, est une essence. Une manifestation de l’Etre et de l’Amour, qui se révèle a la transparence du regard. Et pour parvenir à cette transparence, il fallait bien ne rien attendre, ne rien désirer, ne rien espérer. Ne pas Être déçu quand rien n’est reçu Toujours aimer quand tout a déçu… Avoir l âme vide l’âme vacante, en vacances…

Le mot ‘horoscope » veut dire “le jour se lève“.

Au chapelet transparent de la vie journalière, il s agit par la prière, par l’attention, de découvrir chaque instant comme une heure étoilée, comme un jour qui se lève…

Découvrir par ou nous vient la Lumière, par ou nous vient la Présence…

Demeurer dans le sourire de l’Infiniment Présent.

C’est peut-être à cette spiritualité là que nous invite cet homme en marche. Cet homme libre de ses attentes, de ses désirs, de ses espérances. Libre de son ego, libre de son psychisme. Cet être humain, ouvert a ce qui Est, et qui, dans l’instant, ne fait qu’un avec Cela même qui EST.

“Toujours chercher même quand tout est connu. Toujours aimer même quand tout a déçu. Toujours prier même quand rien n’est reçu. Le chemin qui mène à un but n’est pas le vrai chemin. L’amour qui donne le bonheur n’est pas le grand Amour. La prière des affamés creuse encore plus l’âme vide. Chercher sans répit, aimer sans cesse. Toujours se lier au miraculeux. N’attendre rien, ne rien désirer, ne rien espérer. Très simplement marcher. Toujours marcher, de pas en pas. La mélodie divine s’égrenant d’elle-même au chapelet transparent de la vie journalière“.

 

 

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L'oeuvre Astrologique de Dane Rudhyar...https://la-route-illuminee.org/Bibliographie.php

Sa Vie son Oeuvre....https://la-route-illuminee.org/Sa-vie.php

Le Rudhyar Essentiel...lhttps://la-route-illuminee.org/Le-Rudhyar-essentiel.php